Nous voudrions mettre en garde concernant l’approche que l’on doit avoir des cours de dramaturgie ou des méthodologies proposées dans les ouvrages pédagogiques en général.
L’apprenti-auteur doit toujours garder à l’esprit qu’il existe une contradiction patente entre l’organisation d’un cours, d’un cursus pédagogique, d’une méthodologie, et l’incroyable fouillis, le chaos et la discontinuité effervescente du travail de création.
La création n’a pas de table des matières, c’est un processus inorganisé, insaisissable souvent, fuyant, surprenant, volatile, volage, assujetti à l’inspiration du moment, au hasard, aux coups de chance, au moral de l’auteur, à l’état de son existence.
Un cours, un manuel d’apprentissage, est au contraire divisé en sections, en chapitres, il est planifié, s’intéresse titre après titre à chaque point de son sujet. Il essaie de procéder systématiquement du général au particulier. Il n’hésite que rarement, affirme haut et fort les autres fois, sait toujours ce qu’il en est, où il va et comment y aller. Tout au moins en donne-t-il l’impression.
Le travail de création n’est pas un formulaire, un QCM à remplir tranquillement en partant d’un début pour arriver à une fin. Le seul début, c’est la mise en chantier d’un nouveau projet. La seule fin, c’est l’aboutissement de ce chantier sous la forme d’un film, d’un livre publié, d’un volume de BD, ou simplement d’un scénario, d’un manuscrit.
Entre ces deux points, qui peuvent être séparés de plusieurs années, l’inconnu, les découvertes, les hésitations, les doutes, les errements, les décisions, les retours en arrière, les certitudes passagères vite remises en cause, les renoncements, les enthousiasmes, les illuminations, les égarements. C’est le pain quotidien de celui qui crée.
Les aller-retours témoignent à eux seuls de cet état de fait. Aller-retours d’une étape de travail à une autre, d’un document de travail à un autre, d’un point de l’histoire à un autre, d’un thème à un personnage, d’un personnage à un thème, du traitement à la prémisse et de la prémisse au traitement, du scénario à une fiche-personnage, de la fiche-personnage au scénario, etc. En écriture, on passe son temps à revenir en arrière, à remettre en question des points décidés, des idées adoptées.
On est bien loin, lorsque l’on crée, d’un ouvrage de cours, où tout semble facile, limpide, évident, cohérent, voire lumineux ! On est bien loin de la froideur d’un exposé, aussi passionné soit-il. Non, en vérité :
L’écriture est une aventure émotionnelle.
Il est important de toujours garder cela en tête et de ne jamais remettre en cause son travail de création s’il ne présente pas la limpidité et la facilité d’un cours ou d’un manuel. L’apprenti-auteur ne doit jamais se laisser abuser par l’apparente évidence des méthodes proposées ou l’apparente facilité des solutions avancées, qu’elles soient tirées de film ou inventées de toutes pièces.
Créer, même avec la meilleure méthode du monde, restera toujours un acte indéfinissable, insaisissable et capricieux, quand bien même certains faux pédagogues, pour attirer leur “clientèle”, laisseraient croire le contraire aux plus naïfs.