Une histoire est un mensonge où tout est vrai.
Une des premières nécessités pour que le spectateur/lecteur s’intéresse à votre histoire, c’est qu’il y croie. En d’autres termes qu’il ait toujours l’impression — et je parle bien d’impression — que votre histoire est vraie ou tout au moins, notion qui nous importe plus ici, qu’elle lui paraisse vraisemblable. Or, pour atteindre cette dimension de vérité, même dans l’anticipation ou la science-fiction, même dans le fantastique ou le cinéma d’animation, l’auteur, qui ne peut pas tout savoir doit nécessairement avoir recours à ce que l’on appelle la documentation.
Cette documentation est une étape de travail, une des premières, qui ne doit être ni boudée ni négligée par l’apprenti-auteur, surtout pas par timidité, prétention ou négligence. Cette documentation est d’une nécessité et d’un intérêt illimités pour votre histoire et elle s’avère rapidement devenir un plaisir riche en connaissance et en rencontres, varié et incroyablement enrichissant.
En autres intérêts, cette documentation permet d’ancrer son histoire dans le réel, de lui donner cette couche de vérité sans laquelle on y croirait moins, voire pas du tout, sans laquelle son intérêt serait moins grand et son propos moins percutant.
Cette documentation peut toucher tous les aspects de votre récit. Aussi bien les thèmes développés (le traitement d’une maladie, l’éducation parentale, la contrefaçon en peinture), que les décors et les temps dans lesquels se déroulent l’action (Venise ou Moscou aujourd’hui, le Paris du XIVe siècle, New York au 4e millénaire), que le métier de tous vos personnages (informaticien, membre d’une OGM, imprimeur, ouvrier en bâtiment), que les sciences et techniques qui sont mises en œuvre dans les intrigues (la neurologie, l’architecture, les techniques de la Police Technique et Scientifique).
Mais cette documentation touche aussi des éléments dramaturgiques mis en œuvre dans toute histoire quelle qu’elle soit, en premier chef la psychologie, qui permet de construire des personnages et des relations inter-personnages riches, cohérentes et passionnantes.
Il y a tant de choses sur lesquels s’instruire dans un récit, et cette connaissance demande souvent un tel investissement en temps et en énergie, qu’on conseille souvent à l’apprenti-auteur de développer une histoire sur la base de choses qu’il connait. Le conseil est à prendre au sérieux, quand bien même l’envie d’écrire serait motivée par le désir d’échapper à l’univers réduit et oppressant dans lequel on évolue.
Parler de votre métier, si vous en avez un, ou de celui de votre père, ou de votre mère, ou d’une tante, peut vous faire gagner beaucoup de temps et surtout vous éviter beaucoup d’erreurs qui seraient autant de fausses notes dans votre belle symphonie.
De surcroit, la réalité est bien souvent plus imaginative et surtout bien plus précise que notre imagination, n’en déplaise à ceux qui sont convaincus de posséder un imaginaire débordant. Ceux-là, il faut bien l’avouer, n’ont très souvent jamais mis le nez dehors, ou n’ont jamais regardé rien d’autre que leur propre nombril (qui est sans doute fort beau, et justifie à lui seul cet intérêt).
NB : Nous reviendrons plus en détail, dans la suite, sur les différents moyens de se documenter. En attendant, voilà quelques suggestions d’ordre général.
Disons-le tout net : cette documentation peut être profitable pendant tout le processus de création.
De nombreux auteurs l’entament même avant même de commencer un projet, pour savoir justement s’ils vont attaquer ce projet.
Le plus raisonnable consiste à se documenter au moins sitôt qu’un sujet titille votre intérêt. Avant même de réfléchir à l’intrigue, aux personnages, on peut se documenter sur le contexte, les professions qui seront exploitées dans l’intrigue, sur l’époque à laquelle elle se déroulera, sur les lieux qui l’accueilleront, etc. C’est un bon moyen d’“éprouver le sujet”, de mesurer l’intérêt qu’il peut avoir.
Il est important, avant de ligoter l’histoire trop vite par des intrigues toutes faites, de rester ouvert à l’imprévu et la surprise que réservent fatalement la découverte d’un univers qui ne nous est pas familier. L’histoire s’appuiera sur des bases solides si elle s’inspire de ces recherches, de cette imprégnation de cet univers.
Ensuite, au cours de l’élaboration du récit, de multiples questions surgiront, des points de détails souvent, mais qu’il faudra pourtant résoudre. Fort d’une liste de questions qu’on tiendra soigneusement à jour, on pourra repartir en croisade, et affiner sa connaissance. Nous y reviendrons en temps voulu. En attendant : ouvrez-vous au monde !