la “technique des fiches” permet, comme avec les évènemenciers dont elle n’est qu’une application pratique, de diviser pour mieux régner sur son histoire (avec toutes les réserves concernant le paradoxe de ce règne dont nous avons déjà parlé — cf. (Ne rien) contrôler).
Ces fiches vont nous permettre de fractionner notre travail en une multitude de parties plus petites et plus faciles à manipuler que l’intégralité de la matière que sous-tend tout récit.
Nous pourrons faire des fiches pour les personnages, par exemple (et pour qu’il n’y ait pas de jaloux, une fiche pour chacun d’eux). Nous pourrons faire des fiches pour chacune de nos scènes, ou chacune de nos séquences. Nous pourrons faire, mais c’est plus rare, des fiches pour chacun de nos décors. Nous pourrons faire des fiches pour chacun des thèmes que nous voulons aborder.
On ne peut pas imaginer à quel point ces fiches soulagent l’esprit et permettre de mettre un peu d’ordre dans ce travail tellement foisonnant et pétillant qu’est la création. On se retrouve trop vite avec tout un tas de bouts de papier dans toutes les poches de vestes, de pantalon, au pied du lit ou à côté des toilettes…
Retrouver en un tour de main, quand on a besoin de ressortir la voiture d’un personnage secondaire, que c’est une twingo et qu’elle est rouge, parce que nous l’avons indiqué sur la fiche de ce personnage, soulage de bien des efforts inutiles et irritants. Je vous l’accorde, cet exemple est trivial. Pourtant, combien de fois sommes-nous confronté à cette trivialité en écrivant !
Évidemment, ces fiches peuvent être d’une utilité bien plus grande. Lorsque, par exemple, nous voulons vérifier les relations que nos personnages entretiennent. Lorsque, par exemple, nous voulons ajouter un point de détail à un thème que nous développons. Lorsque, encore, nous voulons agencer l’ordre exacte de nos scènes. Ces fiches se révèlent alors d’une immense utilité.
Quand nous pensons à notre histoire, quand nous l’interrogeons, nous n’avons plus l’impression de nous adresser à un monstre géant, hybride et chaque jour plus effrayant à mesure qu’il nous dévore le cerveau, non, nous l’explosons en capitaineries et en sergenteries avec lesquels il est beaucoup plus simple de communiquer et de négocier.
Pour l’amateur de papier, la fiche cartonnée se révèle d’une utilisation particulièrement efficace. Elle est solide, il en existe de multiples tailles et surtout de multiples couleurs. Il suffit de donner un code à ces couleurs pour voir l’efficacité de ces fiches augmenter encore. Les rouges pour les thèmes, les bleues pour les personnages, les blanches pour les décors, etc. Ou encore, par rapport aux scènes : les rouges pour les scènes d’action, les bleues pour l’intrigue amoureuse, etc. À vous de trouver votre bonheur.
Les classeurs peuvent se révéler aussi d’une grande utilité, permettant d’insérer et de retirer des éléments à loisir, de… mais je pense que vous avez compris le fond, à vous de trouver la forme.
L’amateur d’informatique, s’il perd en “matière”, gagne en outils. Il est impossible de faire ici l’inventaire des possibilités qu’on peut avoir aujourd’hui grâce aux techniques informatiques. Elles peuvent être d’une infinie forme et je pense que chacun peut y trouver son compte.
Quelques pistes :
On peut faire des “fiches types” qu’on duplique (ou mieux : qu’on enregistre en tant que “modèles de document”) pour créer autant de fiches que l’on veut. Elles sont très pratiques, par exemple, pour les personnages. On y indique des titres de rubriques “types” telles que le nom, le prénom, l’âge (date de naissance), l’aspect physique, la biographie, la fonction dans le récit, les atouts, les handicaps, etc.
On peut utiliser efficacement les ressources des liens hypertextuels (liens utilisés sur internet). Imaginez par exemple un listing de vos personnages, où il suffirait de cliquer sur un nom pour voir apparaître la fiche de personnage correspondante. «a n’est pas compliqué à mettre en œuvre, même sans être informaticien.
On peut utiliser les couleurs de fond de page (utilisable dans plusieurs logiciels) pour repérer plus rapidement le contenu de ses fiches
On peut utiliser des logiciels comme “QuarkXPress” qui permettent de réellement travailler, dans un même document, avec des fiches séparées qu’il est aisé d’intervertir.
Etc. etc.
Encore une fois, passer par ce système de fiches, par cette méthode, n’est pas une obligation, comprenez-le bien. Il faut que cela procède, comme pour tout, d’une nécessité. Personne, en matière de création, n’a besoin de jouer les bons élèves.
Il n’y a pas pire créateur
que le bon élève.
Certains cerveaux pourront s’en passer et auront raison de le faire. Mais d’autres, lorsqu’ils se sentent perdus dans les méandres de leur histoire, de leurs personnages, de leurs thèmes, lorsqu’ils ne voient plus le bout de leur histoire, pourront en ultime recours venir tenter leur chance par ici, du côté de ces fiches. Lorsqu’ils y auront goûté, il y a fort à parier qu’ils ne pourront plus y renoncer.
Et les papetiers s’en frotteront les mains. L’environnement peut-être un peu moins.