L’incident déclencheur (ID), évènement qui suit de près l’incident perturbateur que nous venons de voir, a pour fonction principale de définir l’intrigue principale. Concrètement, qu’il y ait un objectif principal ou non, l’incident déclencheur doit permettre de définir la question dramatique fondamentale (QDF) de l’histoire.
C’est cet incident qui va pousser le protagoniste à prendre une décision, à se fixer un objectif. C’est cet incident qui va définir — ou permettre de définir plus tard – la direction du récit.
C’est le gain au jeu de Babe par le fermier Hoggett (ID) qui va permettre de poser la QDF de Babe (Chris Noonan, 1995). Notez que Babe est un exemple de film qui ne définit pas d’objectif principal mais qui contient bien une question dramatique fondamentale : “Le cochon Babe finira-t-il en jambon de Noël ?” (l’objectif devrait être “Babe doit tout faire pour ne pas finir en jambon de Noël” mais le pauvre cochon ne connait même pas, malheureusement, son funeste destin…).
L’incident déclencheur est donc un temps capital dans la définition structurelle d’une histoire. Sans cette scène formelle — ou ce temps de scène — on pourrait dire qu’il ne peut pas y avoir d’histoire.
Voyons d’abord des incidents déclencheurs suivant leur incident perturbateur.
The Martian (Seul sur Mars, Ridley Scott, 2015)
Still Alice (Richard Glatzer, 2014)
The Maze Runner (Le Labyrinthe, Ball Wes, 2014)
Gwoemul (The Host, Bong Joon-ho, 2006)
Thelma & Louise (Ridley Scott, 1991)
The Horse Whisperer (L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, Robert Redford, 1998)
Erin Brockovich (Erin Brockovich, seule contre tous, Steven Soderbergh, 2000)
Si l’on considère l’histoire plus globalement, où Erin serait une jeune mère qui cherche un travail, on pourrait aussi considérer que l’incident déclencheur est l’échec de son procès, qui la pousse à s’imposer dans le cabinet de Ed. Mais c’est plutôt une “méta-intrigue” que l’intrigue principale réellement jouée dans le film.
Blue Velvet (David Lynch, 1986)
L’écueil le plus fréquent qui guette l’auteur lorsqu’il doit choisir son incident déclencheur, c’est justement de trop le choisir. On ne le répètera jamais assez : on ne colle pas d’étiquettes de force aux éléments de la structure. Ces éléments, ces scènes-clés, doivent s’imposer d’eux-mêmes. Si ça n’est pas le cas, l’auteur doit tout mettre en œuvre pour construire son récit et ses scènes de telle sorte que la fonction des éléments-clés s’impose d’elle-même.
Le premier danger d’un mauvais choix est qu’on ne perçoive pas l’incident déclencheur comme tel, parce qu’il est éclipsé par une autre scène qui définit une direction plus “alléchante” ou une direction qui semble plus logique.
Le second danger est que cet incident déclencheur ne permette de définir un objectif ou une question dramatique que… dans la tête de l’auteur, auteur qui sait trop bien où il veut conduire son histoire et ne parvient pas à se mettre dans “la peau de l’histoire” pour sentir si elle est animée ou non des mêmes envies.
CHECKUP[Votre incident déclencheur permet-il, dans la scène ou après la scène, de définir la QDF du film ? Si oui, vous devriez être capable d’énoncer cette QDF en quelques mots. | scenes_cles] |
CHECKUP[N’existe-t-il pas dans votre exposition une scène, un incident, un évènement, qui pourrait venir concurrencer votre incident déclencheur ? qui serait plus fort ? plus marquant ? qui poserait une question plus intéressante pour le public ? | scenes_cles] |