La collection Narration

Maitriser sa respiration

La vie de l’auteur — du créateur en général — n’est pas un long fleuve tranquille. Elle est souvent mise à rude épreuve, moralement autant que physiquement. Du point de vue moral — dans le sens de “avoir le moral”, “garder le moral” —, cette vie fonctionne en tout point comme une respiration. Elle alterne de façon presque régulière les phases d’inspirations et les phases d’expirations.

Dans les moments d’inspiration, tout est bon, tout est beau, on déborde d’idées, elles se bousculent au portillon de l’imaginaire, on ne s’est jamais senti autant auteur et l’on est sûr de tenir un merveilleux sujet plein d’avenir, on travaille avec entrain, concentré comme jamais. En bref : dans cette phase d’inspiration, on se sent inspiré.

Dans les moments d’expiration au contraire, rien ne va plus. Disons-le sans détour : on se trouve nul, tout ce que l’on jette sur le papier est nul, les doutes nous assaillent, ce projet qu’on pensait si formidable nous semble aujourd’hui un misérable récit mièvre et sans saveur, on n’arrive plus à travailler, on se laisse distraire par les mouches, on se remet en cause sur tout, on se demande même par quelle prétention on a eu un jour la folie présomptueuse de vouloir écrire… En bref : dans cette phase d’expiration, on se sent expirer, on se sent mourir…

Tous les auteurs, tous les artistes, même les meilleurs, passent par ces phases. C’est peut-être même une preuve que ce sont de vrais créateurs.

Si l’aspirant auteur veut parvenir au bout de ce long périple qu’est la conception d’un projet, s’il veut parvenir au bout d’une formation de son talent, alors il doit parvenir à maitriser sa respiration, il doit apprendre à la connaitre et à la respecter, tout comme un sportif respecte seconds souffles et points de côté.

Comment ? En reniant les moments de doute ?… En faisant taire les moments d’enthousiasme ?… Certainement pas.

D’abord, le simple fait de savoir que cela peut se produire doit permettre de mieux les vivre. On accepte mieux un mal si l’on sait qu’il est naturel. Sachez donc qu’il est naturel.

Maitriser sa respiration, c’est accepter ses expirations comme ses inspirations.

D’autre part, il faut comprendre que les moments de doute sont des moments importants dans la maturation d’un auteur ou d’un projet. Ils sont comme une terre qu’on met en jachère, l’auteur ou le projet en ressort presque toujours plus fort. Je dirais même que les efforts consentis dans les moments d’expiration comptent double, leurs effets sont plus grands, plus profonds.

Aussi, sachons rester humble, honnête, admettons de ne pas être infaillible, acceptons les moments de faiblesse artistique et attendons simplement que les beaux jours reviennent, ils ne tarderont pas.

Pour ce qui est de l’enthousiasme, au contraire, il faut accepter de se jeter parfois des fleurs, de se croire invincible et même, pourquoi pas, génial ! On a le droit, parfois, de se faire du bien et de reconnaitre ses qualités avec un peu trop de zèle.

En conclusion, pas d’inquiétude, prenez le temps de respirer, ces phases sont naturelles, ces moments de confiance et de doute sont parfaitement normaux.

Lorsque tout va mal

Que faire lorsque l’on est en phase d’expiration ? Faut-il s’acharner ? Faut-il au contraire faire une pause, se consacrer pendant quelques jours à autre chose ?

Chacun peut trouver la réponse au fond de lui, s’il s’écoute. Mais fort de la conscience de cette respiration, vous pouvez vous efforcer de vous mettre quand même au travail. Comme nous l’avons mentionné plus haut, vos efforts peuvent compter double et il est toujours bon de ne pas interrompre trop souvent le rythme de séance de travail.

L’écriture ne paie que si elle devient une habitude.

Dans ces moments-là, ne soyez pas trop regardant quant à la qualité de ce que vous produisez. Contentez-vous de produire. Donnez-vous un temps minimum de travail, peut-être un peu moins long que d’habitude.

Vous pouvez même opter pour l’exécution de travaux annexes comme la réorganisation de votre projet ou la relecture de vos brainstormings. Vous en ferez peut-être l’expérience, la relecture de vieux brainstormings, les premiers produits sur un projet en cours, peut raviver la flamme pour un projet travaillé depuis trop longtemps. En les parcourant, sans autre objectif que de les lire, vous pourrez sans doute retrouver l’enthousiasme qui vous habitait lorsque vous avez entamé ce projet. Et l’enthousiasme est contagieux.

Relire de vieux brainstormings pour retrouver la flamme.

Si vous décidez de chercher des idées qui manquent encore, vous serez peut-être surpris des résultats de votre travail dans ces phases où l’imagination vous semble en berne : de la même manière qu’on peut être déçu d’une idée qui nous avait semblé tellement fantastique dans un moment de trop grande euphorie, on peut également être surpris positivement par une idée qui semblait mauvaise dans un moment d’expiration.

Quoi qu’il en soit, soyez assuré que le travail que vous produirez dans les moments de doute ne sera jamais du travail perdu.

CHECKUP[Parvenez à poursuivre le travail même dans les moments de doute. attitude]