La Note d'intention
À tous les stades de la conception
Au tout départ du travail sur le projet, la note d’intention peut être un “bac à sable” pour réfléchir d’une part au pourquoi l’histoire intéresse l’auteur — ce qui lui plait, ce qui l’excite dans le projet — et d’autre part au comment l’histoire pourrait être traitée, l’allure qu’elle pourrait avoir, ce que l’auteur aimerait qu’elle soit. La note d’intention peut être donc un bac à sable à fantasme, c’est le moment, plus que jamais, d’extrapoler l’histoire, de viser un point très haut au moment où tout est encore possible.
La Note d’intention peut être
un bac à sable à fantasmes.
Au cours du développement, elle peut permettre de faire un point sur le projet, sur les intentions qui animaient l’auteur et celles qui l’animent aujourd’hui. C’est le moyen puissant, par exemple, de se rendre compte qu’on s’est fourvoyé sans s’en apercevoir et qu’il est nécessaire de revenir en arrière. Si des notes d’intention ont été précédemment rédigées, c’est le bon moment aussi pour les reprendre et mesurer les écarts peut-être notables entre les intentions et ce qu’on a réalisé jusque-là.
C’est la raison pour laquelle il vaut mieux faire ce travail d’intention par écrit — alors qu’on a l’habitude de le faire plutôt dans sa tête —, pour en garder une trace. Et puis, souvent, le fait de jeter hors de soi des réflexions permet d’aller plus profondément dans sa réflexion. N’est-ce pas pour cela, aussi, que l’on écrit ?
Enfin, utiliser la note d’intention en mode travail peut décomplexer l’auteur quant à la rédaction de cette note — qui lui semble toujours un peu terrifiante — et même offrir de la matière tangible pour celle qui sera jointe au projet.
La Note d’intention comme outil de vente
Comme je l’ai déjà dit, en mode outil de vente, la note d’intention peut revêtir de nombreux aspects mais gagne à suivre deux directions :
- les intentions que l’auteur avait en concevant son histoire (défendre une cause ? faire connaitre un sujet méconnu ? explorer une face particulière de l’humanité ? une époque particulière de l’humanité ? sensibiliser à un problème ? simplement divertir ? se confronter au genre ?…) ;
- les intentions de développement, surtout si l’auteur est réalisateur ou travaille pour un réalisateur. Dans cette partie, il est possible d’indiquer les directions qui seront prises lors de la réalisation ou du développement ultérieur du projet.
On peut ajouter à ces deux directions une troisième lorsque c’est un dossier d’aide à la réécriture qui est demandé par exemple :
- les intentions concernant la réécriture. En d’autres termes, ce qui va être retravaillé en priorité.
Rédaction de la note d’intention
Ce qu’il faut éviter
Ne jamais écrire de note d’intention
lorsque l’on n’a rien à dire.
La première chose à éviter, lorsque l’on écrit une note d’intention, c’est de l’écrire lorsque l’on n’a rien à dire… Si cette note ne s’impose pas à vous comme une nécessité, si vous êtes certain d’être parvenu à faire passer dans votre texte l’intégralité de vos intentions, de vos désirs, tant au niveau de votre motivation qu’au niveau de ce que pourrait devenir le film, alors cette note d’intention est inutile et il vaut mieux s’en passer que d’écrire un texte qui ennuiera le lecteur autant que vous.
Si au contraire cette note d’intention s’impose d’elle-même, alors quelques mises en garde peuvent être utiles :
- ne pas procéder à une analyse de texte. En aucun cas il ne faut procéder dans la note d’intention à l’analyse scolaire complète du texte. Cette analyse ne révèle souvent que l’impuissance de l’auteur à construire un récit aussi brillant que le sera sans doute son analyse. Il faut laisser cette partie au lecteur. Mais on peut cependant se permettre, parfois, de souligner un point particulier qui n’aurait pas été suffisamment mis en exergue, en raison des limites expressives du scénario ;
- fuir les poncifs et autres tournures toutes faites. Sont à bannir les affirmations qui ne signifient rien et s’appliquent à tous les films. Sont à bannir des tournures telles que “la caméra ira chercher la vérité dans le jeu des acteurs” ou “cette histoire bouleversante d’humanité” ou encore “la lumière sera mise à contribution pour souligner les ambiances et les situations”. Quel film, même le pire, ne fait pas cela ?
- ne pas faire référence à des chefs-d’œuvres que l’on aime et qui n’ont rien à voir avec l’histoire. On voit souvent des apprentis-auteurs citer des films sans rapport ni avec le ton ni avec le propos mais simplement parce qu’il les aime. Ne jamais le faire et, pour les films qui seraient cités à bon escient, ne pas perdre de vue un point essentiel : si vous citez un film, le lecteur ne pourra s’empêcher de comparer votre scénario à ce film. Même si votre projet devait produire un chef-d’œuvre encore plus grand, jamais son scénario ne serait capable d’en rendre compte. D’un côté il y aurait vos feuilles de papier et de l’autre une œuvre diffusée sur grand écran incarnée par des acteurs certainement fabuleux. Votre projet sortirait toujours grand perdant de cette comparaison.
Ce qu’il faut s’efforcer de faire
Nous venons de voir les écueils à éviter dans la note d’intention, voyons quelques utiles pour tenter de la réussir.
- Mettre en exergue le point de vue adopté. C’est certainement l’aspect le plus important, le plus crucial, dans la réussite d’une note d’intention, particulièrement en France. Une histoire n’est rien sans un point de vue fort, dont l’auteur a conscience, et qu’il sait défendre et expliciter. Le point de vue, c’est ce qui transforme l’histoire en véritable récit. C’est la façon d’approcher l’histoire, c’est l’angle sous laquelle on décide de la regarder. C’est ce qui rend le film ou le roman unique, c’est ce qui le distingue de tous les autres films ou romans racontant une histoire similaire. La note d’intention est là pour jouer ce rôle.
- Mettre en valeur ses partis-pris. Si des partis-pris marqués sont adoptés — ne pas mettre de musique, réduire les dialogues au strict nécessaire, faire une mise en abîme, etc. — ils sont à mettre en avant et, bien sûr, à justifier. Adopter un parti-pris pour le seul plaisir, sans raison, est vain.
- Ne pas hésiter à être personnel. La note d’intention peut parler de vous, l’auteur, elle peut servir aussi à faire sentir qu’il y a un “cœur qui bat” derrière l’histoire. Des tournures comme “J’ai toujours cru que…”, “… des choses qui m’ont toujours profondément ému…” sont tout à fait possibles. Attention cependant : cette attitude ne se prête pas à tous les projets ;
- se montrer passionné par son histoire, par son sujet, par ses personnages. Mais ne jamais en faire trop ;
- révéler le caractère unique du projet. S’il est conseillé de rester prudent avec les chefs-d’œuvres pris en exemple, il est en revanche toujours bon de mentionner les films auxquels le lecteur lui-même risque de penser. Et dans ce cas, il est bon de dire en quoi votre projet s’en éloigne, s’en distingue (sinon, à quoi bon le faire ? pensera le lecteur) ;
- être inventif, créatif, ludique. La note d’intention n’a pas à faire l’étalage de votre intelligence mais plutôt celui de votre créativité. Elle devrait contenir trois ou quatre formules “brillantes de pertinence” qui réjouiront le lecteur et qu’il aura plaisir à relire ;
- correspondre au ton. Assurez-vous que le ton de la note d’intention corresponde au ton de l’histoire. Qui croirait à une tragédie accompagnée d’une note d’intention comique ? ou une comédie accompagnée d’une note d’intention pompeuse, pédante et intellectuelle ? Personne, assurément. Donc plongez-vous dans le ton de votre histoire pour travailler le style de cette note d’intention, en pensant à bien séparer, comme nous le verrons, le contenu et le style.