La collection Narration

Comment brainstormer ?

Comme nous l’avons vu, la technique du brainstorming consiste à jeter sur le papier ou sur un document informatique tout ce qui passe par l’esprit concernant un aspect du récit, sans aucune censure, sans aucun jugement, sans aucune évaluation, sans aucun souci rédactionnel.

L’association d’idées est la meilleure alliée de ce document, et l’auteur entrainé — c’est-à-dire l’auteur qui parvient à plonger presque instantanément dans un état de semi-conscience lorsqu’il crée — peut bientôt faire appel à cette technique sans même passer par le document qui porte son nom.

Avant cela, l’apprenti-auteur peut apprendre profitablement à utiliser cette technique en lui consacrant ses premiers documents de développement.

Les 4 temps du brainstorming

On peut distinguer quatre temps dans le processus complet de brainstorming que nous préconisons pour le développement d’une histoire :

La définition précise de la recherche

Parfois la recherche est très large, parfois elle se focalise sur un point de détail de l’histoire, mais dans tous les cas il s’agit en tout premier lieu de bien définir la recherche à mener.

Est-ce qu’on cherche les caractéristiques du protagoniste ? Est-ce qu’on veut faire le premier tour d’un thème développé dans le récit ? Est-ce qu’on cherche à trouver des pistes pour une scène-clé ? Est-ce qu’on veut réfléchir à la façon de résoudre un problème qui se pose au niveau de la longueur des dialogues ?…

On tentera de définir rapidement l’“ordre du jour” du brainstorming et on l’écrira clairement en tête d’un document vierge comme nous l’avons fait dans la section précédente.

La recherche tout azimut

Ensuite commence la recherche proprement dite. Le suprême principe de cette étape est :

Aucune idée ne doit être rejetée.

Et quand on dit “aucune” ici, il faut comprendre “aucune” et “sous aucun prétexte”. On travaille sans censure d’aucune sorte. On ne se dit pas “c’est trop banal”, on ne se dit pas “je n’aurais jamais besoin de cette idée”, on ne se dit pas “c’est trop osé” ou “c’est trop cher”, on écrit toutes les idées à mesure qu’elles arrivent, sans aucun jugement, sans aucun tri, sans aucune censure, et de la façon la plus directe qui soit, même si c’est d’une manière télégraphique.

On ne se crispe pas si rien ne vient, au contraire. Car se crisper est la meilleure façon d’empêcher l’imagination de se libérer. Si rien ne vient, on attend avec patience, en essayant de se focaliser sur le sujet.

La puissance de la question

La question est l’un des moyens puissants pour dialoguer avec son imaginaire. “Qui est mon personnage ?” est une question générale qu’on pourra se poser lorsque l’on aura suffisamment d’entrainement. Mais au départ, on pourra préférer et définir des questions plus précises peut-être et plus à même de susciter l’imaginaire.

On pourra par exemple imaginer des questions telles que : “Que fait mon personnage dans la vie ?”, “Que fait-il le soir en rentrant du travail ?”. Imaginez-le refermant la porte derrière lui et jetant son sac sur un fauteuil avant de… de faire quoi ? “Qu’aime-t-il faire le dimanche ?”, “Pourquoi aime-t-il faire cela ? Quelle satisfaction y trouve-t-il ?”, “Est-il seul ?” ou au contraire “Est-il marié ? Vit-il entouré ?”, etc.

“De quoi ai-je envie de parler au travers de cette idée ?”, “Pour en dire quoi ?” peut-on se demander au tout départ d’un projet juste après qu’est née l’idée. On tente alors d’y répondre en notant, dans le désordre, tous les sujets, tous les thèmes que l’on peut sentir poindre de l’idée.

Notez les réponses qui viennent à vous les unes en dessous des autres, sans aucun souci de rédaction, sans aucun souci de classement. Juste les unes en dessous des autres. Ne renoncez pas à écrire telle réponse parce qu’elle vous semble impossible, ou saugrenue, non, notez toutes les réponses, sans aucune discrimination d’aucune espèce.

Encore une fois, si aucune réponse ne vient ou si votre “inspiration” vous semble très vite tarie, ne forcez pas, ne vous braquez pas, apprenez à être patient avec les idées. Relisez plutôt toutes les idées qui vous sont déjà passées par l’esprit, de façon détendue, et laissez-vous rebondir sur celles qui suscitent peut-être d’autres développement.

La recette du “Pourquoi ?”

Parmi les questions susceptibles de susciter l’imagination, la question “pourquoi” peut être très puissante. Lorsqu’une idée quelconque arrive, n’hésitez pas à l’interroger à l’aide de ce “pourquoi”. Votre imagination vous suggère que votre intrigue pourrait se passer au bord de la mer ? Demandez-lui “pourquoi en bord de mer ?”. Ne prenez pas cette question pour une question-piège, non, prenez-la comme une question qui peut vous permettre de mieux connaitre votre histoire. Votre imagination vous dit que le personnage pratique les échecs ? Demandez-lui pourquoi il s’adonne à cette pratique et tentez de répondre à la question. Pas comme une question-piège mais comme une question qui peut permettre de mieux découvrir encore le personnage.

Peut-être votre imagination aura-t-elle la réponse, peut-être ne l’aura-t-elle pas. Dans tous les cas, laissez-lui le temps, ne la brusquez pas, ne la contraignez pas à répondre. Si vous n’avez pas de réponse, tant pis. Plus vous la mettrez en confiance et plus elle répondra à vos requêtes, croyez-le bien. Cela demande parfois du temps.

Quand arrêter cette phase du brainstorming ?

Il n’y a aucune limite pour décider la fin de cette phase du brainstorming. Ce peut être lorsque plus aucune idée ne vient, lorsqu’on a le sentiment d’avoir “fait le tour de la question”. Ce peut être aussi lorsque l’on s’est fixé un certain temps de recherche.

Se fixer un temps, donc placer une urgence, peut être même très stimulant. Estimez ce temps en fonction de l’importance de la question, de sa difficulté apparente. Des brainstormings peuvent durer un quart d’heure — pour une question d’importance mineure, comme la couleur d’un vêtement du personnage — d’autres peuvent s’exécuter en une heure, voire plus.

Le temps des choix

Une fois achevée la phase de “libre cours” du brainstorming, un troisième temps va permettre de reprendre et d’analyser tout ce qu’on a jeté sur le papier. C’est le temps de la critique. On va peser et soupeser chaque idée formulée à l’aune de la question ou du problème et à l’aune de l’histoire en gestation bien entendu. On va tenter de faire les choix les plus judicieux pour la suite et de déterminer ce qui peut être la meilleure des solutions, le meilleur des choix.

Pour faire ce choix, on peut tenter de classer toutes ses idées de la meilleure à la moins bonne, de haut en bas. C’est très simple sur un document numérique.

Gardez néanmoins en tête que l’histoire est un organisme vivant qui évolue beaucoup avec le temps. Par voie de conséquence, une idée qui peut sembler mauvaise à un moment donné peut s’avérer excellente après quelques mois de développement du projet. C’est la raison pour laquelle vous devez garder précieusement ces brainstormings dans le dossier de votre projet et les relire à l’occasion.

Rebondir

Pendant cette phase d’évaluation, ne vous empêchez surtout pas d’ajouter d’autres idées qui vous viendraient à l’esprit ou d’affiner, de préciser, d’expliciter certaines idées déjà présentes.

La conservation des idées

Une dernière étape peut consister à placer les meilleures idées qui se seront dégagées dans le brainstorming d’idées dont nous avons parlé précédemment. Cela permet d’avoir un document qui ne contient que ce type d’idées.

À votre convenance, vous pouvez effectuer un copier-coller — et donc laisser l’idée dans le brainstorming original — ou effectuer un couper-coller, ce qui supprimera l’idée de votre brainstorming original.

Les méfaits de l’éducation

Terminons en soulignant que cette technique du brainstorming est très éloignée de notre éducation familiale ou scolaire. Je dirais même qu’elle s’y oppose radicalement par bien des aspects — dont le principal, peut-être, est l’absence de jugement.

L’école nous forge — peut-être à raison — aux réponses réfléchies qu’on se doit de peser avant même d’oser les formuler. Elle contraint l’élève à réfléchir avant de parler. Dans le brainstorming, au contraire, on parle, on produit, et ensuite seulement on réfléchit à ce que l’on vient de dire.

Le brainstorming, c’est
“parler avant de réfléchir”.

C’est ce qui explique que certaines personnes ont du mal parfois à aborder les brainstormings, par crainte de ne pas y arriver, par crainte de ne pas avoir suffisamment d’imagination, par crainte de se tromper, par crainte de ne rien trouver. Par crainte de…

Si vous êtes dans ce cas, oubliez cette “crainte de”, il n’y a aucune crainte à avoir et les personnes soi-disant les moins imaginatives, lorsqu’elles se prêtent à ce type de document, voient rapidement leurs efforts récompensés et se révèlent être souvent les plus imaginatives.

Pratiquez ces brainstormings de la façon la plus détendue possible, sans même rien n’attendre, en étant seulement convaincu que plus vous développerez ce dialogue entre votre conscient et votre inconscient — votre imaginaire — et plus votre imaginaire s’autorisera à s’exprimer. Il récompensera alors vos efforts au centuple.