La collection Narration

Le lecteur a toujours raison

Vous venez de rencontrer votre dernier lecteur, vous rentrez chez vous avec un cahier ou un bloc-notes virtuel plein de remarques. Il vous faut maintenant synthétiser toutes ces critiques soigneusement relevées et en tirer parti.

Le meilleur principe à respecter ici est le suivant :

Le lecteur a toujours raison.

Vous pouvez reprocher beaucoup de choses au lecteur, mais il a toujours raison. Peut-être exprime-t-il mal ce qu’il ressent, peut-être ses conseils pour soigner votre texte sont-ils mauvais, mais quoi qu’il en soit, il a toujours raison. S’il n’est pas animé de mauvaises intentions à votre égard, tout ce qu’il a ressenti est juste et provient de votre texte et seulement de votre texte. S’il n’a pas compris le texte tel que vous le vouliez, c’est à votre texte qu’il faut vous en prendre, pas à la lecture de votre lecteur.

Moralité, vous avez une seule alternative : soit vous ne gardez que les avis qui vous intéressent — pour faire court : les compliments — et vous jetez tout le reste à la poubelle, soit vous décidez de ne rejeter aucune remarque, la plus négative soit-elle, la plus injustifiée vous semble-t-elle.

Soyez assuré que la première attitude vous conduira à l’échec annoncé tandis que la seconde vous offrira la seule chance d’aller plus loin.

Donc, tentez de prêter la même attention à toutes les remarques qu’on aura pu vous faire, essayez de les comprendre, essayez de bien saisir ce qu’a voulu dire votre lecteur. Avec l’habitude, c’est au moment même de rencontrer ce lecteur que vous saurez lui demander des précisions sur les points que vous risquez de ne pas comprendre même après réflexion. En attendant, soyez ouvert, en vous répétant qu’il n’y a jamais de fumée sans feu.

Statistiquement vôtre

Une autre manière d’aborder les remarques est de considérer que :

Une remarque revenant dans plusieurs
bouches est toujours justifiée.

Il n’y a pas de contre-exemple. Si plusieurs personnes vous font le même retour, soulèvent le même problème avec la même gêne, alors ce problème doit être pris très au sérieux et sérieusement réfléchi. Si un lecteur a toujours raison, plusieurs lecteurs détiennent toujours la vérité absolue !

Vous pouvez vous fixer comme règle qu’un problème soulevé par au moins 3 de vos lecteurs (sur 10) doit impérativement être corrigé dans la version suivante de votre manuscrit ou de votre scénario.

Le lecteur a toujours tort

Mais si le lecteur a toujours raison, il a également toujours tort (sic)…

Le lecteur a toujours tort.

Même si vous avez eu affaire à un auteur expérimenté, et non pas à un script-doctor aguerri, vous pouvez être certain que les conseils qu’il ou elle a pu vous donner, les idées qu’il ou elle a pu vous suggérer, sont pour nombre d’entre eux erronés. Pour quelques raisons très simples :

“Ce que le public te reproche, cultive-le, c’est toi.” Jean Cocteau

Bref, s’il est capital de faire grand cas des avis et des impressions même lorsqu’ils sont négatifs, il n’en reste pas moins que c’est à vous seul qu’incombe la tâche de trouver les solutions, c’est à vous seul qu’incombe le devoir de trouver les idées. Vous devez écouter attentivement les symptômes que partagera avec vous votre lecteur, vous pouvez prêter une oreille intéressée aux diagnostics qu’aura pu vous faire ce lecteur lorsqu’il possède une certaine expérience de l’écriture, mais gardez-vous bien d’accorder trop de crédit aux prescriptions que ce lecteur voudra vous administrer, même lorsqu’il est également auteur — je dirais même : surtout lorsqu’il est lui-même auteur.

À propos des “symptôme, diagnostic et prescription”, je vous renvoie au chapitre qui traite de ces questions (Symptôme, diagnostic et prescription).