Si la dénomination séduisante de mutation employée au tout début de cette introduction laisse à penser que la construction d’une histoire est un cheminement linéaire qui s’apparente à l’évolution d’une chrysalide ou autre larve de batracien, la réalité du développement est en réalité toute autre. Les retours en arrière et les pas de côté sont fréquents au cours de l’élaboration d’un récit : il n’est pas rare qu’on rédige un pitch définitif — qui correspondrait à la chrysalide — après le scénario ou le manuscrit — qui correspondrait au papillon —, il n’est pas rare que l’on passe par diverses étapes du synopsis tout en travaillant sur le traitement ou la note d’intention, il est fréquent qu’on aborde de front plusieurs documents d’échelles différentes, etc.
La raison en est extrêmement simple : si la nature, de ce point de vue, semble connaitre son but, l’auteur est loin d’être dans la même position. Face à la chrysalide qu’est son bout de nappe, quel auteur serait capable de dire le papillon que sera son film ou son roman ? Sait-il seulement s’il deviendra film ou roman ? Contrairement à la nature qui connait déjà mille recettes, l’auteur — petit dieu tâtonnant — hésite, revient en arrière, part sur le côté, revient encore, efface et recommence à nouveau jusqu’à atteindre, avec un peu de chance, la forme définitive de son œuvre.
Aussi est-il capital de comprendre que l’ordre de présentation des documents listés précédemment n’est qu’abusivement chronologique. Cet ordre n’est surtout pas à considérer comme les étapes successives d’un processus d’écriture linéaire, un tracé rectiligne qu’il faudrait suivre au pied de la lettre.
En réalité, comme nous l’abordons dans la présentation de la méthode du développement en spirale (cf. l’ouvrage Le Travail de l’auteur) :
L’accomplissement harmonieux d’un récit
ne peut être que le fruit d’un aller-retour continuel entre ces documents.
Il est capital et salvateur de toujours le garder en mémoire jusqu’à ce que les bonnes habitudes soient prises.