Voyons à présent un exemple de début de brainstorming sur un thème. Contrairement aux brainstormings anarchiques présentés dans le livre Les Documents d’écriture, nous allons regrouper et classer les informations de ce brainstorming afin de pouvoir l’enrichir facilement au cours de l’élaboration du récit.
Cet exemple présente seulement le premier temps du travail. Chaque mot important, chaque passage intéressant, pourra ensuite faire l’objet d’une recherche spécifique, d’un nouveau brainstorming.
Imaginons une histoire traitant en opposition la naissance et la mort — en tant que simples évènements. Nous devons donc brainstormer sur ces deux mots.
Tout a changé dans la vie de l’auteur depuis l’arrivée d’internet, les encyclopédies en ligne et autres forums. Aujourd’hui, rien de tel, pour approcher un thème, que d’en écrire le simple nom dans un moteur de recherche et de voyager au gré des liens qui s’affichent.
Après avoir jeté une première liste de mots et d’expressions, nous pouvons donc entrer nos deux mots dans un moteur de recherche et consulter les liens et les sites proposés. En procédant à ces visites, on pourra noter dans un document toutes les idées qui viennent. On pourra également relever les adresses les plus intéressantes ou enregistrer les pages HTML dans un dossier “Documentation” créé à l’intérieur du dossier de son projet.
Nous avons parlé plus haut de l’intérêt que représente pour les thèmes la collecte des proverbes et des aphorismes, toutes les expressions concernant un thème donné. On pourra brainstormer avec profit sur ce matériau souvent riche de réflexion qui permet d’élargir son approche et d’envisager des angles de vue insoupçonnés.
Si nous poursuivons sur la dualité entre la mort et la naissance ou la vie, les expressions sont infinies. Attardons-nous sur quelques-unes pour voir comment on peut s’en servir.
“Tout finit afin que tout recommence, tout meurt afin que tout vive.” Jean Henri Fabre
Partant de cette citation, nous pouvons noter les réflexions qu’elle nous inspire : la naissance et la mort sont effectivement un éternel recommencement. La vie n’est pas une accumulation, une superposition, elle est un recommencement perpétuel. Nous reproduisons peut-être sans le savoir les mêmes choses, le même comportement, la même vie qu’un lointain ancêtre dont l’existence ne subsiste plus que dans les actes civils ou les registres paroissiaux.
Poursuivons : que va produire notre temps qui consigne tout, où la mort même peut être reconsidérée sous l’angle de ces témoignages vivants qui restent, où le corps disparait peut-être mais où les traces, multiples, demeureront peut-être longtemps : photos, vidéos, messages écrits et sonores ?…
“Quand on est mort, c’est pour longtemps.” Marc-Antoine Désaugiers
Mais qu’en est-il de ce qui précède la naissance ? On pourrait dire tout aussi bien “Quand on n’est pas encore né, c’est pour longtemps”. Que se passerait-il si l’on avait conscience de sa future naissance ? Si l’on en avait conscience des dizaines d’années avant, à l’intérieur même des corps et des esprits de nos ancêtres. Etc.
“C’est par sa mort parfois qu’un homme montre qu’il était digne de vivre.” Francis Ponge
Que signifie “être digne de vivre” ? Suis-je digne de vivre ? Un personnage se pose-t-il cette question ? Comment la mort de mon personnage pourrait-elle rendre compte de la dignité de sa vie ? Cette mort, même en étant indigne, pitoyable, pourrait révéler en quoi la vie du personnage a été digne. Peut-être un homme — ou une femme — qui a vécu toute sa vie en gardant un secret qui aurait pu nuire à beaucoup de monde. Etc.
On pourrait continuer à loisir sur la multitude de proverbes et de citations qui traitent de ces vastes sujets. Nous ne donnons ici qu’une toute petite idée de ce que nous pourrions commencer à tirer comme réflexion de ce matériau. Ces réflexions, bien entendu, pourront ne servir à rien d’autre qu’à nous faire réfléchir, mais elles pourront également nourrir le projet sur lequel on travaille, aussi bien au niveau de la structure que des personnages, des dialogues ou tout autre aspect de la narration.
Ce brainstorming gagne à être entrepris au tout début du développement du projet mais on peut aussi y revenir régulièrement, dès qu’on ressent le besoin d’approfondir un peu le sujet ou de prendre du recul. On peut lui adjoindre au fil du temps des commentaires personnels ou de nouveaux éléments tirés de ce qu’on lit, de ce qu’on vit, de ce qu’on voit chaque jour.
D’où la nécessité de classer les éléments, de bien les organiser par titre pour former une sorte de réservoir dans lequel il sera aisé de puiser à tout moment des idées.
Pour donner un exemple tout à fait trivial, si notre personnage a été tué, plutôt que de choisir l’arme au hasard, à l’extérieur de l’histoire, on choisira l’un des objets qui s’est dégagé de nos brainstormings. Ici, pourquoi pas un ustensile servant à l’accouchement — le thème en opposition avec la mort —, un bistouri ayant servi à une césarienne par exemple.
Nous appelons cette technique “construire l’histoire de l’intérieur”. Elle consiste à chercher à l’intérieur même de l’histoire ses solutions, ses idées, à ne pas les rapporter de l’extérieur.